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  • Photo du rédacteurGastine Musique

LES VEINES DU TEMPS de Guy TORRENS, Lauréat Concours "Seuls les arbres"mai 2022


Feuillette les arbres

livres ouverts sur les veines du temps


Écorces, brunes, épaisses, rugueuses, lisses, parfois noires

dans les matins légers, les crépuscules fauves, les nuits obscures,

Les racines du grand chêne ouvert sur les souvenirs

du vent qui Passe

plongent dans la terre encore froide

Le printemps est timide

La bergerie en ruine toute proche

raconte si on l'écoute

les instants de repos dans I'ombre fraîche

de la ramure déployée

sous le soleil brûlant d'un après-midi d'été

Ne reste que le léger bruissement des feuilles

à peine un bruit.


Feuillette les arbres

Livres ouverts sur les veines du temps


Les feuilles rousses d'automne

Craquent sous les pas des marcheurs étonnés

de tant de couleurs

de tant de silences blancs

de tant de fatigues

de tant de désirs.

Lignes de Partages centenaires

entre les troncs épais

Sans oubli, ni vertige

Sans oubli ni vestige.


Feuillette les arbres

Livres ouverts sur les veines du temps


Le pin accroché aux rochers blancs d'Ithaque

contemple l'azur de la mer infinie

Gardien unique, il guette celui qui s'est perdu

Vingt aunées durant

Il entend le fracas des batailles lointaines

les cris des naufragés de la misère et de la peur

Il voit des épaves de bois échouées sur le sable

des formes étranges, des branches brisées

au fil de l'eau emportées

Une tempête.

La patience de l'arbre est immuable

malgré les embruns qui le fouettent

Il n'attend pas le massacre des prétendants

Les histoires d'hommes se ternissent de sang

Souvent.


Feuillette les arbres

Livres ouverts sur les veines du temps


Un cercle de feu éteint

Les forêts épaisses se donnent des allures médiévales

Entre les grands mélèzes des ombres se faufilent

fantômes de chevaliers errants

qui tournent encore et encore

Les guerriers de I'hiver s'étendent

les uns contre les autres pour se tenir chaud

troupeaux de bois morts

abattus le long des rivières

qui hésitent à ruisseler

Il faudrait creuser la terre, la retourner

voir sous la croûte comme les sangliers

avec nos groins et nos défenses

S'enfoncer les mains dans le crâne

attraper ces syllabes câlines

qui n'arrêtent pas d'espérer

L'éternité.


Feuillette les arbres

Livres ouverts sur les veines du temps



Photos : Guy TORRENS

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