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Photo du rédacteurGastine Musique

Le fleuve amer de Guy Torrents

Lauréat de l'appel à textes poétiques - Aix en Provence. Novembre 2024



Le lac gelé, laisse sourdre les mémoires de l’eau.

Une mémoire de sources, frémissantes, ondoyantes

à peine un mouvement.


Une mémoire de soif à étancher

sur des terres arides craquelées, presqu’oubliées,

de puits asséchés seulement irrigués

des larmes de ceux qui n’en n’ont plus.


Une mémoire de barrages qui submergent

des villages endormis, fantômes des profondeurs

présents/absents/présents/absents suivant les saisons.


Une mémoire de canaux d’une nostalgie sublime

quand un soleil froid se repose

derrière une écluse

attendant que passe une péniche.


Une mémoire de pluies qui s’abattent

comme des harpies

sur des troupeaux affairés

à la mange herbe.


Une mémoire de corps qui s’ébattent

dans la joie d’une fin d’été brûlant.

Une eau de la peau au goût de mer profonde.


Au fil de l’eau, coule le temps.


Embouchures/deltas/

Méandres de fins de voyages lascifs

sous les cris des mouettes rieuses

des cormorans noirs.


Mélange des eaux, ligne de partage

Douceur saline, amertume du fleuve

Les courants de rencontres soulèvent pour cette ultime fête

une poussière aussi fine

que la sueur glacée des poissons.


Plus vifs, ils secouent le sable du fond.

où les Sirènes se reposent de leurs chants.

On entend certains jours de grand vent, de tempête

des voix profondes, des voix de baryton sous les bancs de sables.

Cornes de brumes, plaintes étouffées, rires envolés

Chants des grands eucalyptus ?

Le mystère est là dans les lieux désertés.


Au fil de l’eau , coule le temps.


Le fleuve a charrié des branches, des troncs

arrachés aux rives trop proches, aux berges inondées

les jours de fureur diluvienne.


Il a des vagues de bois

qui se déroulent/tournent/s’écrasent

creusent des falaises de sable.


Une épave au milieu d’un tourbillon d’immondices

que la mer rejette pour dire :

ce n’est pas à moi

reprenez, les plastiques, les vieux bidons, les bouteilles, les canettes !

Elle vomit les résidus de l’homme.


Au fil de l’eau,  coule le temps ;


Les pieds se mouillent quand il pleut

les yeux quand tu pleures

Le bruit

- seulement le bruit des larmes-

sur une chaussure de cuir.

Un vrai sanglot.


 Au fil de l’eau le temps s’arrête.


Tiré du recueil de poèmes de Guy Torrents "Les hommes se taisent parfois"


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