Tous les jours Meryem emmenait son troupeau de chèvres sur les sentiers autour de son village et vers midi elle se reposait à l’ombre d’un grand olivier centenaire. C’était un endroit paradisiaque loin des regards et près de la mer. Sous cet olivier elle se sentait protégée et elle rêvait souvent à son prince charmant et alors elle osait chanter pour elle même et son troupeau, des chansons qui parlaient d’amour et de promesses de vie heureuse auprès de l’être aimé.
Yannis était très ennuyé aujourd’hui car il avait dû sortir son caïque pour aller à la pêche à la place de son père alors qu’il avait promis aux amis qu’ils se seraient retrouvés au kafené pour répéter les chansons qu’ils auraient jouées au mariage de sa sœur. S’accompagnant de son baglama il était le meilleur musicien du village et sa réputation avait déjà gagné les villages avoisinants. N’ayant pas trop le cœur à l’ouvrage il avait posé ses nasses et s’était peu à peu endormi balancé par les vagues.
Son caïque avait dérivé et il s’était réveillé au son d’une voix douce et mélodieuse, claire, juste, avec des nuances cuivrées et généreuses qui touchait le cœur et l’âme au plus profond. Se prenant pour Ulysse il cru avoir entendu une sirène et il s’empressa d’accoster pour le constater mais il comprit vite qu’il se trouvait de l’autre côté de la ligne de démarcation des territoires gréco-chypriotes, il était bel et bien dans le territoire occupé par les turcs. Il se dirigea vers l’olivier guidé par la voix de Meryem qui s’arrêta net dès qu’elle entendit ses pas.
Elle se leva, il s’arrêta et ils se regardèrent surpris l’un par l’autre. Ce qu’il vit le ravit et ce qu’elle vit la troubla et après cet instant incongru chacun essaya de dire quelque chose dans sa langue mais ils ne se comprenaient pas. Il lui t signe d’attendre et il couru chercher son baglama et quand il revint elle était prête à chanter une chanson d’un répertoire commun aux pays des bords de la Méditerranée. C’était la chanson «Apo xeno topo» en grec et «Üsküdar» en turc. Elle chantait dans sa langue accompagnée par un grec quelque part dans un territoire fracturé ,divisé et blessé.
Chaque jour Yannis venait retrouver Meryem et petit à petit ils construisirent une cabane dans l’olivier centenaire qui abritait de ses branches et de ses feuilles leur nid d’amour.
C’était leur Éden et ils étaient les nouveaux Adam et Ève, débarrassés du péché originel.
Un jour ils ne rentrèrent pas chez eux. Ils restèrent dans leur arbre, sous la nuit étoilée et attendirent qu’on les cherchât. Quand leurs familles respectives les retrouvèrent, elles renièrent chacune à leur tour leur propre enfant n’acceptant pas leur union.
Pourtant cet olivier était devenu l’ombilic du nouveau monde, un symbole de paix, un nouveau départ sans haine, sans mépris, sans incompréhensions...
Le couple décida donc de rester dans ce nouveau monde et de construire sa maison dans l’olivier qui était devenu leur pays désormais. Ils vécurent heureux, de pêche , de lait de chèvre, d’amour et de chansons.
BIENTÔT SYBILLE EN LIVE EN OUVERTURE DU RECITAL "SEULS LES ARBRES" SI LE VENT LE PERMET ....
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