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LE FLEUVE AMER de Guy TORRENTS, lauréat de "Eau delà des frontières" Marseille- Mars 2023

Photo du rédacteur: Gastine MusiqueGastine Musique

Au fil de l’eau, file le temps.


Le fleuve gelé, laisse sourdre la mémoire de l’eau.

Une mémoire de sources, frémissantes, ondoyantes

à peine un mouvement.

Une mémoire de soif à étancher

sur des terres arides craquelées, presqu’oubliées,

de puits asséchés irrigués des larmes de ceux qui n’en n’ont plus.

Une mémoire de barrages qui submergent

des villages endormis, fantômes des profondeurs

présents/absents/présents/absents suivant les saisons,

de canaux d’une nostalgie sublime

quand un soleil froid se repose

derrière une écluse

attendant que passe une péniche.

Une mémoire de pluies qui s’abattent

comme des harpies

sur des troupeaux affairés

à la mange herbe.

Une mémoire de corps qui s’ébattent

dans la joie d’une fin d’été brûlant.

Une eau de la peau au goût de mer profonde.


Au fil de l’eau, file le temps.


Embouchures/deltas/

Méandres de fins de voyages lascifs

sous les cris des mouettes rieuses

des cormorans noirs.

Mélange des eaux, ligne de partage

Douceur saline, amertume du fleuve

de cette fin inéluctable/toujours recommencée.

Les courants soulèvent pour cette ultime fête

une poussière aussi fine

que la sueur glacée des poissons.

Plus vifs, ils secouent le sable du fond.

Celui des bleus profonds

où les Sirènes se reposent de leurs chants.

On entend certains jours de grand vent, de tempête

des voix profondes, des voix de baryton sous les bancs de sables.

Cornes de brumes, plaintes étouffées

Chants des grands eucalyptus ?

Le mystère est là dans les lieux désertés.


Au fil de l’eau , file le temps.


Le fleuve a charrié des branches, des troncs

arrachés aux rives trop proches, aux berges inondées

les jours de fureur diluvienne.

Il a des vagues de bois

qui se déroulent/tournent/s’écrasent

creusent des falaises de sable.

Une épave au milieu d’un tourbillon de détritus

que la mer rejette pour dire :

ce n’est pas à moi

reprenez, les plastiques, les vieux bidons, les bouteilles !

Elle vomit les résidus de l’homme.

Au fil de l’eau, file le temps.

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